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En Côte d’Ivoire, verdicts sévères contre deux proches de Guillaume Soro

C’était le deuxième procès en moins d’une semaine contre un cadre de Générations et peuples solidaires (GPS), la formation politique de l’ancien premier ministre et ex-chef rebelle Guillaume Soro, désormais opposant en exil de Côte d’Ivoire. Et la deuxième condamnation : une peine de trente-six mois de prison, dont deux ans ferme, et cinq ans de privation de ses droits civiques pour Kando Soumahoro a été prononcée mercredi 21 août. Quasiment la même sentence que son prédécesseur, Mamadou Traoré, condamné vendredi à deux ans de prison ferme et à cinq ans de privation de ses droits civiques.
« Ce n’est pas forcément un procès politique, a affirmé le président de la cour avant d’énoncer son verdict dans la salle consacrée aux flagrants délits du tribunal de première instance d’Abidjan. Nous ne jugeons pas quelqu’un parce qu’il fait partie d’un parti politique, mais nous jugeons conformément à la législation en vigueur, qui a été adoptée par les députés que vous avez élus. Le fait de maintenir en vie une association qui a fait l’objet d’une dissolution constitue une infraction et ça, ce n’est pas moi le juge, ce ne sont pas mes collègues et encore moins le procureur, qui ont instauré cette infraction. »
Me Souleymane Diallo, qui défendait également Mamadou Traoré, a immédiatement annoncé son intention de faire appel. « Je suis profondément déçu en tant qu’avocat, et encore plus en tant que citoyen, regrette le défenseur. C’était pourtant l’occasion pour la justice de montrer son indépendance. » Le porte-parole de GPS, Moussa Touré, dénonce également un « déni de justice flagrant ». « Quand il s’agit de GPS, le verdict est toujours connu d’avance, affirme M. Touré : condamnation systématique et aveugle. »
Les deux accusés répondaient à une charge commune, celle de « trouble à l’ordre public ». Mamadou Traoré comparaissait pour « diffusion de fausses informations » à la suite d’une publication sur Facebook où il affirmait que le matériel exhibé pendant le défilé militaire de l’indépendance le 7 août avait été « loué à la force [européenne] “Takuba” chassée du Mali ». Quant à Kando Soumahoro, il lui était reproché d’avoir signé, au nom de GPS, une déclaration commune de l’opposition le 9 août, demandant des réformes électorales et l’ouverture d’un dialogue politique avec le pouvoir. La cour a jugé que cette signature constituait un « maintien illégal de parti politique » puisque la justice avait ordonné en 2021 la dissolution de GPS, accusé de mener des « activités subversives ».
La direction du parti avait fait appel de cette décision, lequel avait été rejeté par la cour d’appel le 13 février 2023, puis avait formé un pourvoi en cassation le 22 février. Pour le collectif d’avocats de GPS, le parti n’est pas dissous juridiquement tant que ses moyens de recours ne sont pas épuisés. De plus, selon la défense de Kando Soumahoro, l’accusé avait signé le document au nom de l’association GPS, déclarée en 2019, et non du parti politique éponyme. « Nous avons produit un récépissé pour leur prouver que GPS est une association déclarée, affirme Me Diallo, et n’est donc pas relevable de la loi qui organise les partis politiques. Aucune décision de justice ne peut dissoudre une association. »
Ces derniers jours, la nouvelle de l’arrestation de Kando Soumahoro avait été diversement accueillie par les autres partis d’opposition. Mardi, les signataires de la déclaration du 9 août ont d’abord diffusé un communiqué commun lu par Paul-Hervé Agoubli, le président du mouvement Objectif République. Dans ce texte, ceux-ci affirment être « solidaires » de Kando Soumahoro, dont ils dénoncent « l’arrestation arbitraire » et demandent « la libération immédiate et sans condition ».
Le GPS, « mouvement politique partenaire de cette noble initiative, est sursis à sa dissolution par son pourvoi en cassation, dont le prononcé n’a pas encore eu lieu », soulignent-ils, tout en prenant garde d’éviter l’emploi du mot « parti ». « Cette arrestation de M. Kando n’est ni plus ni moins qu’une instrumentalisation de l’appareil judiciaire pour servir des fins politiques », dénonce encore le communiqué, qui appelle également la justice, qui ne s’est encore jamais exprimée dans les médias sur ce dossier, à donner « une conférence de presse afin d’éclairer l’opinion nationale et internationale ».
Mais quelques heures plus tard, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), pourtant signataire de la déclaration du 9 août et donc s’associant, théoriquement, au communiqué lu par M. Agoubli, se fendait d’un autre communiqué pour se désolidariser de GPS. S’il dit se tenir « prêt à défendre [les] droits » de Kando Soumahoro « en tant que citoyen, comme il le ferait pour tout autre individu », le PDCI tient à souligner qu’il n’est « en aucun cas en alliance avec GPS ». « Le soutien apporté à M. Soumahoro Kando s’inscrit dans le respect des droits individuels, conclut le communiqué, et ne doit pas être interprété comme une alliance avec GPS. Le PDCI-RDA demeure attaché à la défense de l’Etat de droit et au respect des institutions démocratiques. »
En mars, quelques jours après la victoire de la sélection nationale à la Coupe d’Afrique des nations (CAN), le président Alassane Ouattara avait gracié 51 prisonniers, civils et militaires, condamnés pour « des infractions commises lors des crises post-électorales ou pour atteinte à la sûreté de l’Etat ».
Plusieurs étaient des proches de Guillaume Soro, comme son chef de protocole, Souleymane Kamaraté, dit « Soul to Soul », le chef de sa garde rapprochée, Jean-Baptiste Kouamé Kassé, et l’ex-porte-parole de la rébellion, Affoussiata Bamba-Lamine. Quant à Guillaume Soro, soupçonné d’avoir fomenté une « insurrection » fin 2019 et en exil depuis lors, il reste sous le coup d’une condamnation à la prison à vie pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ».
Marine Jeannin (Abidjan, correspondance)
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